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Mobius (iZi) Vs Loret Telecom (Mediaserv)

DOMTOM-ADSL.COM | 28/06/10 17:32 • Mis à jour le 28/06/10 17:33
L’Arcep (1) a jusqu’au 5 juillet pour rendre sa décision sur le litige qui oppose Mobius (iZi) au groupe Loret Telecom (Mediaserv). Une décision qui pourrait se révéler lourde de conséquences.

Paris, XVe arrondissement. Dans les bureaux de l’Arcep (1) situés au Square Max Hyman, à quelques pas de la gare Montparnasse, traîne un énorme dossier. Un dossier qui pourrait sembler anodin parmi la pile de documents qui s’entasse dans les locaux de l’ex-ART. Ces éléments recèlent pourtant les détails d’une affaire qui pourrait bien bouleverser la distribution du marché des télécoms dans l’île. Ils concernent, en effet, un litige qui oppose le groupe Mobius, plus connu du grand public à travers sa marque iZi, et le groupe Loret Telecom, représenté notamment par sa filiale Mediaserv. Pour comprendre les dessous de cette affaire, il faut remonter à 2003. Afin de réduire - en partie - l’écart de prix et de services qui sépare les offres internet de l’île de celles commercialisées en métropole, la Région entreprend de déployer un énorme réseau de télécommunications dont la vocation est de concurrencer celui de l’opérateur historique. Procédure classique : un appel d’offres est lancé afin de sélectionner un groupement disposant des compétences nécessaires à la mise en place de ce réseau. Juteux marché de 39 millions d’euros (dont 23,8 millions au titre de la délégation de service public versés sur 12 ans et 18 millions d’euros pour le 1er investissement), le projet baptisé "Gazelle" suscite l’appétit des opérateurs. Outremer Telecom, Mediaserv, Mobius... tous s’empressent de présenter une offre. France Télécom se porte lui aussi candidat avant finalement de se retirer. Après une longue délibération, c’est finalement le groupement composé de Mediaserv, Sogetrel et LDC (filiale du groupe Neuf Cegetel) qui décroche le marché le 23 mai 2007. Les trois partenaires montent alors une société indépendante, La Réunion Numérique (LRN), qui fera office de délégataire et qui sera chargée de mener à bien le projet. Jusque là tout va bien.

"Un scandale financier" selon Mobius

Les choses se corsent en juin 2007, lorsque Mediaservdécide de proposer des forfaits internet grand public sur l’île. Pour desservir ses abonnés, l’opérateur passe tout logiquement par le réseau Gazelle. Rien d’anormal à cela, le but de la Région étant justement d’offrir une infrastructure aux opérateurs de l’île afin de stimuler la concurrence et (si possible) de faire baisser les prix.Mais certains concurrents voient l’arrivée de ce nouvel opérateur internet d’un très mauvais œil. C’est notamment le cas de Yann de Prince, le président directeur général de Mobius, qui a lancé quelques mois avant Mediaserv une offre internet grand public. Commence alors une lutte acharnée entre les deux opérateurs. Une lutte d’abord commerciale qui glissera progressivement sur le terrain judiciaire. Dans cette guerre de tranchées, Mobius dégaine le premier. Fin 2009, Yann de Prince annonce qu’il a l’intention de saisir les autorités compétentes, à savoir l’Arcep et l’Autorité de la concurrence contre Loret Telecom-Mediaserv-LRN. Le PDG de Mobius ne fait pas dans la dentelle. Criant au scandale financier, il affirme que Mediaserv aurait détourné 12,9 millions d’euros de subventions publiques et pointe du doigt ce qu’il estime être "d’énormes irrégularités" dans le dossier Gazelle. Sans surprise, Yann de Prince s’attire les foudres de Loret Telecom mais aussi de la Région. En riposte aux attaques de son concurrent, le groupe Loret Telecom porte plainte pour diffamation. Guy Jarnac, vice-président délégué aux TIC au sein de la collectivité, monte à son tour en première ligne et affirme que la Région va elle aussi porter plainte contre Yann de Prince. Des menaces qui ne semblent pas inquiéter le patron de Mobius. Il faut dire que le jeune chef d’entreprise n’en est pas à son coup d’essai en matière de procès. En 2004, il s’était déjà attaqué avec succès à France Télécom et avait obtenu une baisse des tarifs sur le câble intercontinental Safe.

Incertitudes sur les tarifs des opérateurs

À l’époque, Mobius était accompagné dans sa démarche par Outremer Telecom et... la Région Réunion. Mais cette fois, Yann de Prince est seul, même si en "off", d’autres opérateurs critiquent, eux aussi, les tarifs de Gazelle. Reste qu’aucun d’entre eux n’ose aller aussi loin que le PDG de Mobius dans les accusations et encore moins le suivre dans sa démarche. Seul Outremer Telecom finit par sortir de son mutisme et adresse à la Région un courrier sur un ton particulièrement acide pour dénoncer les tarifs pratiqués par LRN sur le réseau Gazelle. En face, le groupe Loret Telecom affirme toujours ne pas comprendre l’acharnement de Mobius. Depuis le début de l’affaire, Ehsan Emami, le PDG mis en cause, n’a cessé de démentir les accusations de Yann de Prince. Rappelant que les comptes du délégataire sont "étroitement surveillés et régulièrement audités", Ehsan Emami assure que les 12,9 millions d’euros que Mobius assimilent à de l’argent détourné ne sont qu’une avance de trésorerie. "Dans le cadre de la délégation de service public, la Région ne nous rembourse que si l’on justifie, factures à l’appui, que l’argent a été utilisé pour la mise en place du réseau Gazelle. Comment pourrions-nous détourner des fonds dans ces conditions ?", poursuit-il avant de s’emporter : "Mobius cherche juste à faire du buzz et obtenir des tarifs excessivement bas sur Gazelle". La question est désormais de savoir comment se réglera le différend entre les deux protagonistes. Entre les arguments des uns et des autres, la tâche de l’Arcep ne s’annonce pas aisée. L’autorité a jusqu’au 5 juillet pour rendre sa décision et départager les deux opérateurs. La sentence risque d’être lourde de conséquences. Pour l’avenir de Gazelle certes, mais aussi pour celui de Mobius et de Mediaserv. Et qui sait quelles répercussions aura la décision de l’Arcep sur les tarifs du réseau régional, et donc sur ceux des nombreux opérateurs qui l’utilisent (Outremer Telecom, SFR ou encore Zeop) ? Le secteur des télécoms péi retient donc son souffle en attendant que les limiers de l’Arcep finissent d’éplucher ce dossier. Un dossier finalement pas si anodin que cela.
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Source : Clicanoo